Body Rice in Paris -July 2008- Press
PRESS- "BODY RICE" in Paris- July 2008
Sa projection récente à la Cinémathèque française l’a pourtant confirmé : Body Rice constitue une proposition esthétique de toute première importance. Écrire sur lui s’impose. Et tant pis si plus personne ne peut le voir.
Décidément, le Portugal offre de nos jours les cinéastes les plus radicaux et stimulants qui soient. Après En avant, jeunesse de Pedro Costa – autre film portugais ayant mis deux ans à atterrir sur les écrans français et y ayant survécu quelques semaines seulement ! –, Body Rice vient se hisser sans peine au rang des films les plus impressionnants de l’année. S’il est difficile d’en parler, c’est qu’au-delà de son apparence de film sur pas grand-chose, de trip minéral et léthargique, il s’agit d’un objet cinématographique foisonnant.
Body Rice est une succession de plans longs d’une remarquable intelligence de cadrage. Sans s’interdire de décadrer, les plans se fixent souvent, laissant les corps investir le champ comme bon leur semble, favorisant l’attention au moindre mouvement (Julia pose sur soi les vêtements de l’occupant de la chambre d’hôtel qu’elle est censée nettoyer ; des enfants jouent avec une tortue dans un ruisseau). Parfois, de lents et puissants travellings détaillent ou accompagnent ces corps (Anja prend un bain d’argile puis va se doucher ; des danseurs traînent leur pas lourd sur la plage lors d’hypnotiques rave parties).
Un carton nous apprend que le film – une fiction – a été tourné dans le cadre d’un programme expérimental de rééducation envoyant de jeunes allemands asociaux vivre en communauté dans l’Alentejo, région située au Sud du Portugal. Mais la narration, elliptique, est réduite au minimum. Si rien n’échappe à la compréhension, il apparaît bien vite que Vieira da Silva est moins intéressé par l’histoire que par le corps et par son rapport concret, immédiat, à son environnement et aux autres corps. Un plan génial parvient même à transformer un objet en corps : un robot pour enfant y prend vie devant Katrin hébétée.
C’est un film physique, rocailleux, lourd, où un soleil de plomb irradie une pellicule aux couleurs désaturées et écrase des corps traversant différents états : aphasie ou spasmophilie, sérénité ou transe. Le cinéaste se refuse évidemment à juger ses personnages sans énergie, sans volonté, sans projet. Cette atmosphère no future, qui plombe quelque peu, fait ausi toute la force et la beauté du film. D’autant que, l’horizon s’annonçant bouché, c’est à l’ici et maintenant qu’il convient de prêter attention. Or chacun des plans raconte quelque chose, bruisse de mouvements et de respiration, étonne et captive le regard. Scandé par des morceaux de musique industrielle, de cold wave ou de hard techno (une exception : l’utilisation un rien facile et pourtant si efficace d’un chant baroque, qui n’est pas sans rappeler la fin de Last Days), Body Rice est un film punk plein de vie, dont il faut guetter sans répit la prochaine projection.
Raphaël Lefèvre
15.07.2008in
http://www.critikat.com/Body-Rice.html
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